Pouvoir discrétionnaire et crédit majoré
01 lun, 2023
Dallaire c. R., 2022 QCCA 1422 Dans cet arrêt, l’appelant se pourvoit en appel contre la décision de la Cour du Québec prononcée le 3 juin 2021 pour une peine d’emprisonnement qui selon lui va à l’encontre du principe de la gradation des peines. L’appelant prétend que la juge de première instance a commis une erreur de principe en imposant une peine consécutive et en refusant d’accorder le crédit majoré pour la période de détention provisoire du 25 juin 2020 au 3 juin 2021 lors de la procédure d’appel.
Les faits
L’appelant commet deux séries d’infractions. Une première qui regroupe trois chefs d’accusations de possession de stupéfiants ou autres substances commises en mai 2018. Suite à l’enregistrement de ses plaidoyers de culpabilité le 10 septembre 2019, l’appelant est mis en liberté à la condition qu’il suive une thérapie fermée. Cette condition n’est pas respectée et l’appelant est incarcéré pour une deuxième série d’infractions. La seconde série d’infractions implique des accusations d’entrave à un agent de la paix et plusieurs chefs d’accusation liés à la possession d’arme à feu et de stupéfiants aux fins de trafic.
Le jugement
L’intervention de la Cour d’appel est justifiée si la décision n’est manifestement pas indiquée. En d’autres termes, celle-ci doit s’écarter de manière déraisonnable du principe de la proportionnalité de l’article 718.1 C. cr. ou une erreur de principe doit avoir été commise par le ou la juge de première instance[1]. L’appelant doit donc faire la preuve que la juge de première instance a commis des erreurs en imposant une peine d’emprisonnement de 7 ans. En ce qui a trait au principe de la gradation des peines, l’appelant met de l’avant que la période de 5 ans prononcée pour l’infraction de possession d’arme à feu prohibée est largement supérieure à la peine de 20 mois de détention qu’on lui avait imposée pour une affaire similaire dans le passé. Cependant, la Cour d’appel confirme que la juge a imposé une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité morale du délinquant et eu égard aux circonstances atténuantes et aggravantes. La Cour d’appel conclut que c’est à juste titre que la juge de première instance a considéré la circonstance aggravante que l’appelant représente un danger, le tout considérant le lourd casier judiciaire de l’appelant et le contexte de la commission des infractions qui s’inscrivait dans des circonstances liées au trafic de stupéfiants. La Cour d’appel conclut donc que la peine n’est pas manifestement non indiquée et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir. Quant au second moyen d’appel, l’appelant a fait valoir qu’en imposant une peine de deux ans consécutive à une peine de cinq ans, la juge de première instance a imposé une peine globale s’écartant manifestement de la fourchette des peines applicable en pareilles circonstances. À ce sujet, la Cour d’appel rappelle que lorsque nous sommes en présence de transactions criminelles différentes ou lorsque nous sommes en présence d’une circonstance aggravante telle que la commission d’une infraction alors que l’accusé fait l’objet de conditions ordonnées par la Cour, il y a lieu d’imposer des peines consécutives. En l’espèce, après avoir considéré l’application du principe de totalité[2], la Cour d’appel conclut qu’en l’absence d’une erreur de principe ayant donné lieu à une peine manifestement non indiquée de la part du juge de première instance, il n’y a pas lieu d’intervenir. Finalement, quant au moyen d’appel relatif au calcul du crédit majoré, dans R. v. Barnett, les juges Doherty et Rouleau rappellent les propos de la juge Dutil dans Larrivée c. R. qui souligne que l’appelant devait faire la preuve[3] d’un « lien suffisent » entre l’infraction pour laquelle une peine a été prononcée et la détention provisoire[4]. L’exigence d’un « lien suffisant » prend sa source de l’expression anglaise du paragr. 719 (3) « as a result of » qui doit être interprétée de manière à imposer l’existence d’une relation causale comme condition à l’application du crédit majoré. Or, la Cour d’appel conclut que l’appelant n’a pas établi ce lien. Ce faisant, elle souligne que le tribunal de première instance possède un pouvoir discrétionnaire[5] qui commande la déférence, de telle sorte qu’il n’y a pas lieu en l’espèce d’intervenir en appel quant au calcul de la majoration du crédit à accorder.