Le pouvoir de la Cour de rendre des ordonnances accessoires à la peine
05 ven, 2021
Lorsque le juge doit rendre sentence, le Code criminel lui offre plusieurs ordonnances accessoires qui peuvent s’ajouter à une peine plus classique comme l’emprisonnement. Parmi ces ordonnances, il existe la possibilité de faire une déclaration de délinquant à contrôler et de rendre des ordonnances d’interdictions accessoires. À quelles règles sont soumises ces ordonnances? « Bien que l’ordonnance doive d’abord et avant tout servir l’objectif prépondérant de protéger les enfants contre la violence sexuelle, elle ne doit pas entraver indûment les efforts de réhabilitation de l’appelant, que ce soit dans le cadre d’un projet d’études ou encore d’un éventuel retour sur le marché du travail.[1] » R. c. Rodrigue, 2021 QCCA 456
Les faits
Dans cette affaire, l’accusé a été condamné à diverses accusations en matière de pornographie juvénile pour avoir notamment été en possession de près de 100 000 images et 300 vidéos interdits. Au moment de rendre sentence, la juge de première instance lui a imposé une peine de trois ans d’emprisonnement. Il l’a également déclaré délinquant à contrôlé et donc ordonné qu’il soit surveillé pour une période de cinq and après avoir purgé sa peine. Finalement, il a reçu une interdiction d’utiliser Internet jusqu’à la fin de sa vie.
Le jugement
L’accusé se pourvoit devant la Cour d’appel du Québec pour trois motifs : (1) que le juge n’a pas adéquatement motivé sa décision de le déclarer délinquant à contrôler, (2) que le juge n’aurait pas du le déclarer délinquant à contrôler en se fondant uniquement sur les rapports d’expertise produits par le ministère public et (3) que l’ordonnance par rapport à Internet était trop sévère. Concernant la suffisance des motifs, la Cour d’appel du Québec réitère que pour qu’elle puisse intervenir, les lacunes dans les motifs doivent être si importants qu’elles font obstacle à un examen valable en appel. En l’espèce, bien que la juge de première instance se soit exprimée rapidement, la Cour d’appel considère que les motifs sont suffisants pour comprendre qu’elle s’est fondée sur les rapports d’expertise produits par le ministère public pour rendre sa décision. Concernant le deuxième motif d’appel, l’accusé prétend que la juge de première instance s’est sentie liée par la suggestion de l’experte psychiatre concernant la durée de l’ordonnance. Or, la Cour d’appel considère que la juge de première instance a pris en considération le témoignage de l’accusé avant de décider de la durée de l’ordonnance. En effet, elle a même offert à son avocat de donner ses observations. C’est lui qui n’a pas fourni de contre-expertise ou d’argument fondé sur son témoignage. Dans ces circonstances, la décision de déclarer le délinquant à contrôler n’est entachée d’aucune erreur manifeste. Concernant l’ordonnance interdisant l’accusé de faire usage d’internet à perpétuité, le ministère public concède qu’une interdiction complète et à perpétuité est trop sévère. Considérant que la juge de première instance a fait erreur en considérant qu’elle était obligée de rendre cette ordonnance, la Cour d’appel accepte alors d’intervenir en réduisant sa durée à 20 ans et sa portée à l’usage d’internet pour des fins illégitimes, pour accéder à des réseaux sociaux et pour ses loisirs. Au soutien de sa décision, la Cour d’appel souligne que malgré l’objectif important qui est sous-jacent à l’ordonnance, soit de protéger les enfants, il ne faut pas indûment entraver les efforts de réhabilitation de l’accusé en lui empêchant de se servir d’Internet pour des fins scolaires et professionnelles. La Cour d’appel accueille donc l’appel afin de modifier l’ordonnance d’interdiction par rapport à Internet.