Instruire adéquatement les membres du jury
05 ven, 2021
Lorsque le procès a lieu devant un juge et un jury, il incombe au juge d’instruire les jurés. Il doit fournir des explications concernant les éléments importants des infractions, ainsi que sur les règles de droit. De plus, il doit s’assurer de répondre adéquatement à toutes autres questions qui concerne la cause dont il est saisi. Cette responsabilité est primordiale puisque l’équité du procès dépend de cette formation adéquate du jury. « Il y a donc dans la tâche qui incombe au juge un exercice d’éducation, éminemment pédagogique, qui requiert structure, clarté, cohérence et objectivité, mais aussi une certaine capacité de vulgariser sans trahir les exigences du droit: « Clarifier et simplifier », écrit le juge en chef Lamer dans Jacquard, proposer un exposé « à la fois complet et compréhensible », ajoute le juge Modalver dans Rodgerson.[1] » R c. Primeau, 2021 QCCA 544
Les faits
Au moment de la commission de l’infraction, l’appelant, frère de la victime Richard Primeau, habite le sous-sol de ce dernier avec son fils Pascal. L’appelant, apprenant que la victime a proféré des menaces de mort à son égard, devient furieux. Il empoigne sa carabine et monte rejoindre la victime. Lorsque la victime l’aperçu l’arme à la main, ce dernier se serait dirigé brusquement en sa direction. L’appelant, en reculant, se heurte au divan et par accident fait feu. L’appelant témoigne ne pas avoir voulu appuyer sur la détente, ni tirer sur la victime. Il ajoute qu’il ne savait pas que l’arme était chargée et que l’arme n’a pas de pontet . Lors de son procès, l’appelant plaide la défense d’accident niant l’actus reus, soit l’élément matériel, l’acte coupable. En soit, il allègue qu’il n’a pas appuyé sur la détente de manière volontaire, et par le fait même soulever un doute concernant le caractère obligatoirement volontaire de l’acte. Subsidiairement, il fait valoir ne pas avoir eu l’intention de causer la mort et donc invoque la défense d’accident niant la mens rea, soit l’intention coupable. L’appelant fût déclaré coupable, par un jury, de meurtre au deuxième degré. Il se pourvoit contre ce verdict soutenant que le juge de première instance a commis plusieurs erreurs dans le cadre des directives données au jury.
Le jugement
La cour d’appel accueille l’appel, la tenue d’un nouveau procès est ordonnée. Dans un procès avec jury, il est du devoir du juge saisi du dossier de donnés des directives pour permettre aux jurés de saisir les questions soulevés dans le dossier, le droit relatif aux accusations ainsi que les éléments de preuve pertinents pour répondre auxdites questions. Ses directives ont pour objectif de les outiller adéquatement pour qu’ils puissent analyser la preuve soumises et traiter les faits en accord avec le droit. Or, lors du procès de M. Primeau, le juge de première instance a failli à cette tâche. Les directives initiales concernant les défenses de l’accident niant l’actus reus ainsi que l’accident niant la mens rea ont été jugées insuffisantes et confuses par la cour d’appel. En effet, il ressort que les directives sont problématiques car elles ne permettent pas de distinguer la différence entre les deux défenses d’accident. Ses directives étaient particulièrement lacunaires en ce qui a trait à la défense d’accident niant l’actus reus. De plus, le juge aborde trop peu l’impact de cette défense en ce qui concerne l’homicide involontaire. Il est manifeste que les explications originales du juge étaient insuffisantes et mal comprises puisque le jury a posé de multiples demandes pour obtenir des directives supplémentaires à l’égard des sujets centraux à l’affaire. La dimension pédagogique des directives est d’autant plus importante lorsqu’à la suite des directives initiales, le jury requiert l’assistance du juge pour des questions subséquentes. Les réponses émises par le juge se doivent d’être claires et complètes, car elles seules peuvent dissiper toute confusion. L’insuffisance des réponses fournies n’ont pas suffis à éclairer les directives initiales, elles-mêmes défaillantes. Les explications décousues n’ont pas permis aux jurés de démêler les différents concepts qui lui ont été présentés, ce faisant la Cour conclu qu’ « il existe une possibilité raisonnable que le jury ait été induit en erreur sur des aspects centraux du litige et que cela vicie le verdict.»