
Lorsque les policiers ont des soupçons que le conducteur d’un véhicule motorisé a les facultés affaiblies par l’alcool, ils peuvent lui ordonner de souffler dans un appareil de détection approuvé afin de déterminer s’il y a des traces d’alcool dans son sang. Or, qu’en est-il lorsque les policiers ont de tels soupçons, mais qu’un appareil de détection n’est pas disponible « immédiatement »?
« Le rôle des tribunaux ne consiste toutefois pas à faciliter la tâche des policiers, ni d’ailleurs à la complexifier. Leur rôle consiste à interpréter et appliquer la loi [1]. »
Breault c. R., 2021 QCCA 505
Les faits
Dans cette affaire, les policiers ont reçu un appel de patrouilleurs de sentiers forestiers à l’effet qu’un homme conduisait un véhicule tout-terrain en état d’ébriété. Une fois sur les lieux, les policiers constatent qu’un homme ayant des symptômes d’intoxication s’éloigne d’eux à pied. Il est donc intercepté par les policiers qui, à 13h41, lui donnent l’ordre de souffler dans un appareil de détection approuvé (la « balloune ») pour vérifier s’il était en état de conduire. Toutefois, l’appareil en question n’était pas en leur possession; elle devait être amenée par un autre véhicule de police. Entre temps, vers 13h45, le conducteur a indiqué qu’il refusait d’obtempérer à l’ordre des policiers. Il a donc été accusé de refus de se soumettre à l’ordre des policiers et éventuellement déclaré coupable par un juge de la Cour du Québec.
Le jugement
L’accusé se pourvoi devant la Cour d’appel du Québec pour contester la validité de l’ordre qu’on lui a donné. Selon lui, l’appareil de détection approuvé devait être disponible « immédiatement ». Le délai d’attente rendait donc illégal l’ordre qu’on lui a donné. Une formation de 5 juges de la Cour d’appel accueille à l’unanimité le pourvoi de l’accusé.
Elle explique que le Code criminel requiert que lorsque l’ordre est donné, l’échantillon d’haleine doit être fourni « immédiatement », ce qui implique que l’appareil doit lui-aussi être disponible « immédiatement ». La Cour d’appel souligne que cette exigence d’immédiateté est intimement liée au droit à l’avocat, garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, habituellement, dès qu’une personne est détenue, elle a le droit de parler avec un avocat. On a toutefois jugé qu’il était justifié de suspendre ce droit temporairement dans le cas d’un test d’haleine sur le bord de la route, parce que la détention est nécessairement de courte durée et elle est liée à l’exercice d’un objectif sociétal important, soit la détection rapide des conducteurs dont la capacité de conduire est peut-être affaiblie par l’alcool. Toutefois, s’il y a un délai d’attente, aussi court soit-il, à attendre que l’appareil soit disponible et qu’il serait possible, entre temps, que l’accusé communique avec un avocat, cette suspension perd de sa justification.
Par conséquent, la Cour d’appel renverse son précédent et déclare fermement que « ‘Immédiatement’ signifie ‘immédiatement’ lorsqu’il est question d’échantillons d’haleine. » Les policiers doivent donc maintenant avoir en main l’appareil de détection approuvé ou recourir à d’autres méthodes d’enquêtes telles que les tests de coordination.
Sources:
↩1 | Breault c. R., 2021 QCCA 505, au para 67. |
---|
Publié le 23/04/2021