L’appel d’une sentence et la réincarcération

La Cour d’appel a le pouvoir d’intervenir pour modifier une peine imposée en première instance lorsqu’il est démontré que la sentence est manifestement inappropriée ou que le juge a fait une erreur de principe ayant un impact sur la sentence. À ce moment, la Cour se doit d’analyser l’ensemble des éléments pertinents afin de substituer à la peine initiale la peine appropriée. De plus, lorsqu’une peine est augmentée, mais que l’accusé a déjà purgé celle-ci et est en liberté, elle doit évaluer l’impact d’ordonner la réincarcération de l’accusé et déterminer si cela causerait une injustice.

«Toutes ces erreurs commises ont eu un impact dans la détermination de la peine. Conséquemment, je suis d’avis que la Cour se doit d’intervenir et de déterminer la peine adéquate. [notre traduction][1]»

 

R. c. Davidson, 2021 QCCA 545

Les faits

Au moment de la commission de l’infraction, la victime et l’accusé se fréquentaient depuis quelques temps. Un soir, l’accusé, voulant récupérer de l’argent qu’il avait préalablement prêté à la victime, se rend à la résidence de cette dernière. Ne voulant pas qu’il entre dans son appartement, elle attend son arrivée à l’extérieur de sa résidence. En arrivant, l’accusé saisit les clés des mains de la victime et entre dans l’appartement sans son consentement. Par la suite, il lui assène un coup au visage, la pousse sur le mur, la maintient sur le sofa en lui tordant le bras et la menace de la tuer si elle appelle la police. L’accusé a été reconnu coupable d’entrée par effraction ainsi que d’avoir commis des voies de fait contre un partenaire intime. Dans le cadre de sa remise en liberté, l’accusé a suivi une thérapie fermée d’une durée de six mois, qui fût pris en compte lors de la détermination de sa peine. Conséquemment, il s’est fait imposer une peine de douze mois, moins les six mois de thérapie fermée, et une période de probation de deux ans. Suite à l’imposition de cette peine, le ministère public se pourvoi contre celle-ci devant la Cour d’appel du Québec.

 

Le jugement

La Cour d’appel accueille en partie l’appel et modifie la peine initiale.

Lorsque face à un appel sur la peine, la Cour d’appel se doit d’établir si celle-ci est manifestement déraisonnable ou s’il y a présence d’une erreur de principe ayant un impact sur celle-ci. En l’occurrence, la Cour conclu que la juge de première instance a commis une erreur de principe en pondérant inadéquatement les objectifs de dénonciation et de dissuasion ainsi qu’en accordant un poids indu à la réhabilitation, qui sont tous des objectifs de détermination de la peine. Elle ajoute que la juge de première instance a erré dans son analyse des facteurs aggravants. Ces erreurs ayant un impact sur la détermination de la peine, la Cour se doit d’intervenir afin de déterminer la peine adéquate.

À la lumière de l’entièreté des éléments pertinents en l’espèce ainsi que de la jurisprudence, la Cour conclu qu’un emprisonnement de trente mois, initialement soumis par le ministère public, est une peine appropriée. Dans son analyse, la Cour soutient que la complétion d’une thérapie fermée peut être considéré lors de la détermination de la peine. Ce faisant, les six mois de thérapie sont déduits de la peine d’emprisonnement, tel qu’octroyé par le juge de première instance, résultant à une peine de vingt-quatre mois moins un jour. L’intimé devrait être de nouveau incarcéré pour une durée de douze mois.

 

Finalement, la Cour doit se pencher sur une dernière interrogation concernant la réincarcération. L’accusé, ayant déjà purgé un tiers de sa peine initiale et remis en liberté conditionnelle, se verrait réincarcéré pour purger la différence. La Cour d’appel reconnait qu’il n’est pas fondamentalement cruel que la personne coupable doive purger une peine adéquate, cependant, elle reconnait que dans certaines situations cela peut entrainer une injustice. Ce faisant, la Cour reprend les quatre facteurs suggérés dans R v. Veysey pour évaluer si la réincarcération résulterait en une injustice. En considérant la gravité de l’infraction, le temps écoulé entre la mise en liberté et la décision de la cour d’appel, et si, ce délai est tributaire d’un ou l’autre des parties, ainsi que l’impact de la réincarcération sur la réhabilitation, la Cour conclu que la réincarcération constituerait une injustice. Ce faisant, la Cour substitue la peine d’emprisonnement initiale par une peine de vingt-quatre mois, mais elle accorde un sursis d’exécution pour le reste de la peine d’emprisonnement. Cependant, puisqu’il s’agit d’une infraction relativement grave, afin de respecter les objectifs de dénonciation et dissuasion, la Cour prolonge de douze mois la durée de la probation.

Sources:
Sources:
1 R. c. Davidson 2021 QCCA 545, para 45

Publié le 6/08/2021