Rétractation d’un aveu de l’accusé

Le juge de première instance exclu de la preuve un aveu de l’intimé fait à sa copine du moment. En l’occurrence, cette dernière avait dans un premier temps partagé les propos de M. Gray avant de rétracter cette partie de son témoignage. La Cour d’appel doit alors évaluer les motifs soutenant la décision du juge de première instance.

La cour reprend les paroles du juge Moldaver dans l’affaire R. c. Hart « [L]e juge Moldaver a reconnu le caractère persuasif de l’aveu d’un accusé : « Un aveu constitue une preuve puissante de culpabilité, mais seulement lorsqu’il s’avère véridique ». Il a ajouté que « [l]es aveux tirent leur force de persuasion du fait qu’ils vont à l’encontre de l’intérêt personnel de l’accusé ».[1] »

R. c. Gordon Gray, 2021 QCCA 882

 

Les faits

Le ministère public se pourvoit contre un jugement acquittant l’accusé des charges de meurtre au deuxième degré ainsi que d’agression armée. L’appelante soutient que le juge de première instance a erré en droit en excluant l’aveu fait par l’ex-copine de l’intimée, soit Mme Chandler. Cette dernière avait témoigné à l’époque relativement à l’aveu que l’intimé lui avait fait, selon lequel il avait poignardé la victime, avant de rétracter son témoignage. Le témoignage de Chandler fût considéré recevable par le juge de première instance en vertu de la règle du ouï-dire, à l’exception de l’aveu de l’intimé. Le juge soutien sa décision sous trois motifs, soit (1) l’absence de contre-interrogatoire de Mme Chandler sur la prétendue confession, (2) l’absence de preuve corroborante et (3) l’effet préjudiciable sur le droit à un procès équitable de M. Gray l’emportant sur la valeur probante de la preuve.

 

Le jugement

La Cour d’appel (ci-après « la Cour ») accueille l’appel et ordonne la tenue d’un nouveau procès.

Le juge de première instance a erré en droit en usant de l’absence du contre-interrogatoire à titre de motif pour exclure l’aveu du témoignage de Chandler. La Cour mentionne que l’intimé a eu pleinement l’opportunité de procéder au contre-interrogatoire de Chandler lors du premier procès. Le fait qu’il n’ait pas profité de cette occasion n’a aucune incidence en l’espèce. En outre, l’intimé aura, aussi, cette possibilité lors du nouveau procès. Par conséquent, la Cour retient que tout doute persistant sur une quelconque iniquité par rapport aux droits de l’accusé à un procès équitable se doit d’être dissipé.

En ce qui a trait à l’absence de preuve corroborante, la Cour réitère que tout aveu ou toute déclarations contre l’intérêt d’un accusé sont recevables sans qu’il soit nécessaire de fournir des preuves corroborantes parce qu’ils sont intrinsèquement fiables. En effet, soit qu’il s’agit d’une exception au ouï-dire, soit qu’il ne s’agit pas de ouï-dire du tout. En l’occurrence, la partie du témoignage faisant l’objet de la rétractation contenait l’aveu de l’intimé. Ce faisant, l’analyse de sa nécessité ou de sa fiabilité n’était pas requise, de plus, la corroboration de la preuve n’était pas nécessaire à sa recevabilité. Par conséquent, la fiabilité procédurale de l’aveu confessé est établie. La Cour ajoute que les circonstances entourant la révélation de Chandler ainsi que les explications de sa rétractation pourront être examinés lors du nouveau procès. À toutes éventualités, la Cour note que dans la mesure où cela serait jugé nécessaire, les preuves de la lacération au cou de la victime, les photos des blessures et plusieurs témoignages permettent de corroborer ledit aveu.

En ce qui concerne l’effet préjudiciable de l’admission de l’aveu sur l’équité du procès de M. Gray, la Cour rappelle que le préjudice ne concerne pas le risque de condamnation. La preuve est préjudiciable si son admission menace l’équité du procès ou s’il existe un risque réel d’un mauvais usage de ladite preuve. En l’occurrence, au regard de son analyse précédente concernant l’admissibilité de l’aveu, la Cour maintien qu’aucun argument ne permet de soutenir un possible effet préjudiciable. Elle ajoute, que l’intimé aura l’opportunité de contester le témoignage de Chandler lors du nouveau procès en fonction du contexte dans lequel la preuve sera réellement présentée.

Sources:
Sources:
1 R. c. Gordon Gray, 2021 QCCA 882, au para 40.

Publié le 2/04/2022