
Par l’entremise de cette décision la Cour d’appel se penche pour la première fois sur la constitutionnalité de l’alinéa 718.3(7) du Code criminel. Cette disposition en imposant des peines obligatoirement consécutives pour les infractions sexuelles à l’égard des enfants, dépouille le juge, lors de la détermination de la peine, de son pouvoir discrétionnaire d’imposer des peines concurrentes ou consécutives. Cette disposition, entrainant une peine contraire à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et liberté, est invalide et inconstitutionnelle.
« Le paragraphe 718.3(7) du Code supprime ce pouvoir discrétionnaire du juge chargé de la détermination de la peine relativement aux infractions sexuelles commises contre des enfants. Il est entré en vigueur le 18 juin 2015 : Loi sur le renforcement des peines pour les prédateurs d’enfants, LC 2015, c. 23, art. 17; Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 41e lég., 2e sess., vol. 147, n° 234, 18 juin 2015, p. 1620 (Sanction royale).[1] »
Vera Camacho c. R., 2021 QCCA 683
Les faits
L’appelant porte en appel sur permission une peine le condamnant à une période d’emprisonnement de 15 ans pour vingt chefs d’infraction sexuelles diverses à l’égard de neuf victimes, dont sept sont mineures. Il avance que l’obligation d’imposer des peines consécutives en vertu de l’alinéa 718.3(7) du Code criminel (C.cr.) est contraire à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et liberté (ci-après « la Charte »). De surcroît, il avance que le juge a erré en droit dans son application du principe de proportionnalité et totalité de la peine. L’appelant a plaidé coupable dans quatre dossiers à vingt chefs d’accusations de nature sexuelle. L’appelant offrait, par l’entremise d’Internet, un poste de réceptionniste ou de masseuse bien payé à de jeune filles. Une fois à l’entrevue, il les forçait à se dénuder et les agresser sexuellement, sans condom avant de les recruter à des fins de prostitution.
En première instance, la poursuite suggérait une peine totalisant 15 ans d’emprisonnement, en appliquant le principe de totalité à des peines concurrentes et consécutives. L’appelant suggérait, plutôt, que toutes les peines soit concurrentes, totalisant une peine de 5 ans. Dans son raisonnement, la juge de première instance détermine la peine applicable à chacune des infractions, totalisant 38 ans, puis elle procède aux ajustements pour obtenir une peine juste et proportionnelle. Ce faisant, elle réduit la peine d’emprisonnement à 15 ans, ce à quoi elle retranche 60 jours de détention provisoire.
Le jugement
La Cour d’appel (ci-après « la Cour ») accueille la requête pour permission d’appeler de la peine, déclare invalide et inconstitutionnelle l’alinéa 718.3 (7) du C.cr. et rejette l’appel de la peine.
Les tribunaux reconnaissent au juge un pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à l’imposition de peine consécutives ou concurrentes. Or, l’alinéa 718.3 (7) du C.cr, obligeant le juge à imposer des peines consécutives dans les infractions sexuelles contre des enfants mentionnées, le dépouille de cette discrétion. Les parties présentent une position commune, soit l’inconstitutionnalité de la disposition. De surcroît, leurs positions s’accordent avec les explications données dans R. c. Nur [2015] 1 R.C.S. 773, et dans Bissonnette c. R. 2020 QCCA 1585. Ce faisant, la Cour déclare l’article 718.3 (7) b) C.Cr., invalide et inconstitutionnel.
En ce qui a trait à la proportionnalité de la peine, le juge pouvait, à bon droit, envisager d’imposer une peine consécutive sous réserve du principe de totalité. En l’espèce, les agressions sexuelles commises sur les jeunes victimes font partie des infractions les plus sérieuses, notamment en raison de leurs jeunes âges ainsi que l’absence de protection lors des pénétrations. L’appelant n’a pas réussi à démontrer aucune erreur de la part du juge. Ce faisant, la Cour n’a pas de motifs pour intervenir.
Sources:
↩1 | Vera Camacho c. R., 2021 QCCA 683, para 28 |
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Publié le 4/02/2022