Le droit à l’avocat : l’urgence et la mise en garde de type Prosper

Par l’entremise de cette décision, la Cour d’appel doit clarifier une situation inusitée, dans laquelle se retrouvant sans nouvelle de l’avocat, les policiers acceptent de procéder aux prélèvements sanguins de l’appelant au nom de la notion d’urgence. La Cour, reconnaissant que la notion d’urgence ainsi que la mise en garde de type Prosper laisse entrevoir certaines irrégularités au sein de la jurisprudence, clarifie la situation.

 « […] la police sera tenue de l’informer de son droit d’avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l’obligation de la police, au cours de cette période, de s’abstenir, tant que la personne n’aura pas eu cette possibilité raisonnable de prendre toute déposition ou d’exiger qu’elle participe à quelque processus qui pourrait éventuellement être incriminant. Grâce à cette exigence supplémentaire en matière d’information imposée à la police, la personne détenue qui maintient qu’elle veut renoncer à son droit à l’assistance d’un avocat saura ce à quoi elle renonce. [1] [2] »

 

Hamel c. R., 2021 QCCA 801

Les faits

L’appelant se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour du Québec le déclarant coupable de conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise et d’avoir causé un accident occasionnant des lésions corporelles. Les prélèvements sanguins permettant de prouver le taux d’alcool de l’appelant auraient été obtenus à la suite de la violation de son droit à l’avocat ainsi qu’en l’absence d’un consentement libre et éclairé à ces prélèvements. 

Les policiers, ayant persuadés M. Hamel de consulter un avocat de l’Aide juridique, tentent en vain de rejoindre l’avocat. Toujours dans l’attente du retour d’appel de l’Aide juridique, l’infirmière mentionne devoir procéder au prélèvement dans l’immédiat, autrement, dû au haut taux d’occupation de l’urgence, elle sera disponible seulement dans 30 à 60 minutes. Les policiers demandent, donc, à l’appelant s’il accepte de se faire prélever pour l’analyse de son alcoolémie, sans avoir préalablement exercé son droit à l’avocat tout en omettant de préciser leur obligation d’attendre que l’appelant ait parlé à un avocat pour poursuivre leur enquête. Ainsi, cette omission rend la renonciation de M. Hamel à son droit à l’avocat invalide, puisqu’il n’avait pas les informations nécessaires pour donner un consentement libre et éclairé. Par conséquent, les prélèvements de sang pour l’analyse s’avèrent abusifs. 

La violation du droit à l’avocat ainsi que le caractère abusif des prélèvements en découlant sont reconnus par la poursuite lors du procès. La juge de première instance conclu, à bon droit, que l’arrestation de l’appelant n’est pas arbitraire, les policiers ayant les motifs suffisants pour la justifier. Elle considère que la violation du droit à l’avocat est justifiable en raison de l’urgence de la situation. Elle conclut, alors, qu’à l’égard des faits lui étant soumis, que l’exclusion de la preuve recueilli, en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après « la Charte »), ne serait pas dans l’intérêt de la société.

 

Le jugement

La Cour d’appel (ci-après « la Cour ») rejette l’appel.

En ce qui a trait à l’urgence de la situation, la juge de première considère que les policiers se trouvaient dans une situation où ils n’avaient d’autre choix que de procéder aux prélèvements sanguins au vue du possible retard, et ce, en dépit du droit à l’avocat. En considérant cette situation comme étant urgente, la juge commet une erreur qui minimise la gravité de la violation des droits de M. Hamel. L’hôpital n’étant pas une zone sans Charte, les policiers avaient l’obligation de faciliter le droit à l’avocat. N’ayant pas l’obligation légale de procéder aux prélèvements, les policiers devaient soit, demander à l’infirmière de revenir lorsque le droit à l’avocat se serait concrétisé ou ils devaient obtenir un renoncement valide, de la part de l’appelant, à son droit à l’avocat. Dans le dernier cas, ils devaient lui formulés une mise en garde de type Prosper, étant que l’impossibilité de rejoindre l’avocat n’a pas épuisé son droit constitutionnelle à l’avocat. En l’espèce, lorsque l’appelant accepte de procéder aux prélèvements, ne sachant pas que les policiers devaient sursoir à l’enquête jusqu’à la concrétisation du droit à l’avocat, le consentement de l’appelant n’est pas libre et éclairé. 

 

La déférence est de mise pour le reste de l’analyse de la juge, la Cour devant faire sienne de toutes les conclusions de la juge de première instance n’étant pas viciées par une erreur. En l’occurrence, la Cour retient que l’arrestation n’était pas arbitraire, les policiers avaient des motifs suffisants pour la justifier. En outre, la Cour conclut que la violation au droit constitutionnel de l’appelant s’avère sérieuse, mais qu’elle n’est pas délibérée. Les policiers étant dans une situation inusitée, en raison de l’absence du retour d’appel de l’Aide juridique cumulé au fort l’achalandage de l’urgence, ont incorrectement conclu qu’ils devaient procéder immédiatement aux prélèvements. L’exclusion de la preuve obtenue en contravention avec les droits constitutionnels prévu par la Charte vise un objet sociétal. Elle ne vise pas à sanctionner la conduite des policiers, mais plutôt, à garantir le respect futur des exigences prévues par la Charte. Dans ces circonstances, l’exclusion des prélèvements de sang recueillis n’est pas nécessaire pour préserver la confiance du public envers le principe de primauté du droit et ainsi la réputation de l’administration de la justice à long terme. 

 

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Sources:
Sources:
1 R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236, à la page 275
2 Hamel c. R., 2021 QCCA 801, au para 108

Publié le 3/12/2021