Le délinquant dangereux ; la peine de détention pour une durée indéterminée

 

La peine d’emprisonnement pour une durée indéterminée, étant une des peines les plus sévères, doit n’être imposée que dans de rares cas. L’appelant ayant été déclaré délinquant dangereux se fait imposer une telle peine. Dans cette décision, la Cour d’appel se doit d’évaluer si l’appelant représente un risque tel, que seule cette peine permet d’assurer la sécurité de la société. 

«En l’absence de toute preuve de la possibilité réaliste de traiter M. Duperron avec succès dans une période définie, le juge de première instance n’a pas commis d’erreur en rendant le jugement de la peine sous examen, surtout à la lumière de sa conclusion de fait selon laquelle « l’historique de l’accusé fait en sorte qu’il est très improbable qu’il ait pu être traité dans un délai de temps défini». » [notre traduction]

Duperron c. R., 2021 QCCA 832

 

Les faits

Duperron se pourvoit à l’encontre d’une décision de la Cour du Québec l’ayant déclaré délinquant dangereux et ayant ordonné son incarcération pour une durée indéterminée. M. Duperron a obtenu en 1997 une peine d’emprisonnement de 18 ans ayant été reconnu coupable  de multiples agressions sexuelles. Peu après sa sortie de prison, en juin 2010, il agresse sexuellement une inconnue se promenant dans le rue, en plus de lui proférer des menaces de mort. L’appelant plaide coupable aux infractions reprochées, il est reconnu délinquant dangereux par le juge de première instance et se voit octroyer une peine d’incarcération pour une durée indéterminée. M. Duperron ne conteste pas en appel sa désignation de délinquant dangereux, néanmoins il soutient qu’une peine à durée déterminée aurait dû lui être octroyé. 

 

Le jugement

L’appel est rejeté. 

L’appelant prétend, dans un premier temps, que le juge de première instance a erré en droit, en ne tenant pas compte de la preuve de son expert-psychiatre, pour déterminer qu’ « aucune preuve » tendait à démontrer la possibilité de le traiter. La Cour d’appel (ci-après « la Cour ») rétorque qu’il ressort du jugement de première instance, que c’est à la suite d’un examen complet de la preuve, que le juge a conclu qu’aucune preuve convaincante permet de réduire le danger, représenté par M. Duperron, à un niveau acceptable pour la société avec l’imposition d’une sentence moins sévère. En effet, considérant ses antécédents, son incapacité à contrôler ses impulsions, la vulnérabilité de ses victimes, ses multiples bris de conditions, l’incarcération pour une durée indéterminée est la seule alternative possible pour veiller à la protection de la société. Ce faisant, le motif d’appel n’étant basé sur aucun fondement, il n’est pas retenu par la Cour. 

L’appelant soutient, par la suite, que le juge a erré en n’ayant pas suffisamment retenu la preuve de la défense incluant le témoignage son expert-psychiatre. Or, il ressort que le juge de première instance, ayant pris en considérant l’ensemble des experts, conclu que M. Duperron représente un haut risque de récidive. Il est faux d’avancer que le juge n’a pas considéré le témoignage de l’expert-psychiatre, il a plutôt rejeté ses conclusions. En effet, ce rejet est motivé par le manque d’honnêteté ainsi que de fiabilité de l’appelant créant des barrières à une réussite thérapeutique. 

L’appelant prétend que le juge a erré en accordant une présomption à la détention de durée indéterminé. La Cour suprême du Canada dans R c. Boutiller, affirme que le Code criminel ne prévoit pas une présomption en faveur d’une incarcération de durée indéterminée, devant être renversé par la défense. En l’occurrence, il appert que le juge n’a pas eu l’intention, ni n’a, dans les faits, appuyé son jugement sur une quelconque présomption. En outre, la Cour ajoute qu’à toutes éventualités, le juge du procès n’aurait pas eu besoin, au vu du dossier criminel de l’appelant, de se fonder sur ladite présomption, si cette dernière avait trouvé application. 

L’appelant soutient que l’incarcération d’une durée indéterminée, considérant ces détenus comme étant une faible priorité, nuit aux possibilités de bénéficier d’une thérapie appropriée en l’espèce. En outre, les statistiques tendent à démontrer qu’un infime pourcentage obtiennent ultimement une libération conditionnelle. Or, cette sentence est prévue seulement dans les rares cas où le détenu représente un risque futur incontrôlable de commettre d’autres infractions de nature violente. En l’espèce, l’absence de preuve d’une réelle possibilité de traiter l’appelant ainsi que le consensus concernant les récentes perspectives de traitement et de réhabilitation de M. Duperron résulte en un risque futur incontrôlable.  Il ressort de la preuve que seule la réussite d’un traitement spécialisé intense sur la déviance sexuelle pourrait mener à envisager une forme de remise en liberté. En effet, il est conclu, dans les circonstances, que l’évaluation à long terme est le seul outil permettant de déterminer si l’appelant aura réellement changé. 

Publié le 3/03/2022