
Tremblay c. R., 2022 QCCA 677
Les faits
L’appelant se pourvoit contre le verdict de la Cour du Québec le reconnaissant coupable de l’infraction de conduite dangereuse causant des lésions corporelles. Le 22 août 2017, à l’approche d’un carrefour giratoire, le véhicule de l’appelant, soit un camion lourd comprenant une remorque de 125 000 livres, heurte le pare-chocs de l’automobile de l’appelant, soit une Honda Civic, la poussant ainsi sur une distance de quelques dizaines de mètres. À la suite de l’accident, la plaignante et l’appelant se rendent dans un garage et la police est appelée sur les lieux. La juge de première instance conclut que la conduite dangereuse de l’appelant est volontaire et constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait respectée. Celui-ci rejette également le témoignage de l’appelant étant donné que ce dernier serait contradictoire. L’appelant soutient que le juge de première instance a erré en droit en prononçant un verdict déraisonnable à son égard, et ce, au sens de l’article 686(1)a)i) C.cr.
Le jugement
La Cour d’appel du Québec accueille l’appel et infirme la décision du juge de première instance concernant la culpabilité de l’appelant. L’acquittement de l’appelant est ordonné.
Pour analyser si un verdict est raisonnable, il suffit de déterminer « s’il s’agit d’un verdict qu’un jury ayant reçu des directives appropriées ou un juge aurait pu raisonnablement rendre »[1] . De surcroit, il est possible de conclure qu’une décision est déraisonnable si une inférence est tirée ou une conclusion est prononcée alors que celles-ci sont contredites ou incompatibles avec la preuve administrée ou encore si celles-ci sont fondées sur un raisonnement illogique ou irrationnel.
En l’espèce, la Cour d’appel est d’avis qu’en aucun cas la preuve administrée ne peut soutenir la conclusion du juge de première instance concernant la conduite délibérée de l’appelant. En effet, cette conclusion se fonde sur des inférences et des déterminations factuelles qui ne peuvent être appuyées par la preuve. Premièrement, la caméra d’une station-service a capté l’accrochage entre l’appelant et la plaignante. Contrairement à ce que le juge de première instance soulève, ladite vidéo ne démontre aucune preuve d’impatience, d’agressivité ou encore de colère de la part de l’appelant. Le visionnement de celle-ci permet plutôt de constater que l’appelant gardait une distance raisonnable avec l’automobile de la plaignante. Ensuite, le juge de première instance s’appuie sur le fait que l’appelant, étant un travailleur de la route, était particulièrement pressé et nerveux lors de l’incident. Encore une fois, aucun élément de preuve ne permet d’appuyer cette inférence tirée par le juge. De plus, le juge de première instance a rejeté le témoignage de l’appelant prétendant qu’il était contradictoire, alors que la preuve permet de conclure que celui-ci est compatible avec la version de tous les autres témoins de la scène.
Même si la conduite aurait été considérée comme volontaire et délibéré, il ne s’agissait pas en l’espèce d’une conduite dangereuse, mais plutôt d’un risque inhérent à la conduite automobile. En effet, la manœuvre de l’appelant, bien qu’elle puisse sembler imprudente et, à première vue, dangereuse, elle ne constitue pas un écart marqué avec la norme de diligence. La preuve de la poursuite ne permet donc pas de démontrer qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait été consciente de ce risque et aurait pris des mesures pour l’éviter.
Bref, les éléments de preuve administrés dans le dossier ne permettent pas « à un juge des faits ayant reçu des directives appropriées de prononcer une déclaration de culpabilité »[2] . Il est donc possible de conclure à un verdict déraisonnable, l’acquittement de l’appelant devant donc être prononcé.
Publié le 27/06/2022