
Pourvoi à la Cour suprême, 2021-06-17 (C.S. Can.) 39710.
La Cour d’appel doit analyser deux délais dont leur imputabilité est matière à débat dans le contexte d’un prononcé d’arrêt des procédures pour violation du droit constitutionnel d’être jugé dans un délai raisonnable. Selon les enseignements des tribunaux, tout au long du cheminement des procédures, la poursuite a l’obligation constitutionnelle de mener à terme sa poursuite dans un délai raisonnable, alors que la défense se doit d’éviter de repousser indûment les procédures. En l’occurrence, l’absence d’un plan efficace de la part de la poursuite a mené à un délai déraisonnable.
« Dans l’affaire R. c. Auclair, bien avant l’arrêt Jordan, le juge Doyon pose un premier jalon. Il explique que la poursuite « doit s’assurer qu’elle est elle-même prête à procéder dans un délai acceptable et qu’elle a dressé un plan de match ». Elle « doit avoir planifié les étapes à venir et avoir un plan à proposer aux tribunaux[1].».»
R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815
Les faits
La poursuite se pourvoi contre l’arrêt des procédures prononcé, par la Cour du Québec, en raison d’une violation au droit constitutionnel de M. Boulanger (l’intimé) d’être jugé dans un délai raisonnable. Le délai net est de 32 mois et 10 jours, soit excédant le plafond présumé de 2 mois et 10 jours. La poursuite prétend qu’une période de 84 jours, soit entre le 1er mars et le 24 mai 2018, aurait dû être retranché du délai net, puisque cette période est tributaire d’une présentation tardive d’une requête, de la défense, visant à décaviarder un affidavit. Ce faisant, le délai net passerait sous le plafond présumé de 30 mois.
Si la Cour d’appel (ci-après « la Cour ») retranche ce délai, l’intimé rétorque que le juge a erré en retranchant du délai net une période de 112 jours, soit entre le 21 mai et le 10 septembre 2019, attribué à la défense en raison de l’indisponibilité de son avocate.
Le jugement
L’appel est rejeté.
Le premier délai devant être évalué, soit la période de 84 jours, découle du débat entourant la validité du mandat de perquisition. La Cour retient que la défense peut être responsable d’une partie des délais. En effet, à la lumière du dossier, la contestation aurait pu être présentée le 1er mai, tel que proposé par le juge. Ainsi, la contestation ayant eu lieu le 28 mai, plutôt que le 1er mai, il aurait été possible de retrancher cette période de 28 jours au délai net. En outre, en ce qui a trait la demande tardive de la défense au sujet du décaviardage, la Cour s’explique difficilement que la poursuite n’ait pas confirmé, en temps opportun, que les passages caviardés ne visaient aucunement l’intimé. À toute éventualité, le conclusion du juge de première instance n’attribuant pas la période de 84 jours à la défense doit faire appel à la déférence. Il en ressort que la demande de la défense n’étant pas considérée frivole, ni témoignant d’une volonté de gagner du temps, combiné à l’absence d’un plan soigneusement conçu par la poursuite permettait de soutenir sa conclusion. Par conséquent, la Cour juge qu’il n’y a pas de raisons de tirer une conclusion différente.
Le second délai en litige émane de la demande, de la nouvelle avocate agissant pour la poursuite, de tenir un voir-dire imprévu au sujet de l’admissibilité d’une déclaration requérant de fixer une journée additionnelle. Au moment d’ajouter ladite journée, le juge suggère, selon les disponibilités de la cour, plusieurs dates à la fin mai, auxquelles seule la défense est indisponible en raison de l’occurrence d’un autre procès. Malgré de nombreuses autres disponibilités durant les mois d’avril, mai et juin du côté de la défense, la cour étant seulement disponible en septembre, le juge impute de manière erroné ce délai à la défense. La Cour affirme d’une part, que le juge aurait dû prendre en considération ses propres indisponibilités. D’autre part, le juge ne pouvait conclure à l’indisponibilité de la défense, puisque les retards n’étaient pas causés uniquement ou directement par sa conduite. En effet, puisque c’est le changement de stratégie de la poursuivante qui obligeait de fixer une journée additionnelle, l’indisponibilité de la défense ne pouvait être conclu uniquement par le refus de certaines dates. En conséquence, la Cour ajoute la période de 102 jours au délai net, résultant à un délai de 5 mois et 2 jours excédant du plafond présumé.
Sources:
↩1 | R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815, para 18 |
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Publié le 18/03/2022