
Par l’entremise de cette décision, la Cour d’appel rejette l’appel contre un jugement ayant reconnu l’appelant coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort. Contrairement aux dires de l’appelant, la création d’un comité indépendant à la suite d’échanges entre la ministre de la Justice et procureure générale et la Directrice des poursuites criminelles et pénale n’ont pas porté atteinte à l’indépendance de cette dernière. En outre, le juge de première instance n’a pas erré dans son analyse des éléments essentiels de l’infraction.
« Il ne s’agit pas d’un cas d’inattention momentanée qui entraîne la responsabilité civile, ni d’un cas de conduite imprudente au sens du Code de la sécurité routière mais bien d’un cas de conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel.[1]»
Ouellet c. R. 2021 QCCA 386
Les faits
L’appelant se pourvoit contre un jugement l’ayant reconnu coupable de conduite dangereuse ayant causé la mort. L’appelant est membre d’une équipe de filature de la Sûreté du Québec. Le matin du 13 février, l’appelant ainsi que deux autres membres de l’équipe prennent la route pour aller rejoindre un de leurs collègues qui suit le sujet ayant quitté sa résidence plus tôt qu’estimé. Le sujet étant déjà en mouvement, l’équipe de filature doit le rejoindre le plus rapidement possible. Ce faisant, ils adoptent une conduite dite « dynamique », signifiant d’excéder la vitesse permise et de se faufiler entre les véhicules lorsque nécessaire. Durant cette opération de filature, roulant à une grande vitesse dans un quartier résidentiel, l’appelant entre en collision à une intersection avec un véhicule causant la mort d’un enfant à bord.
L’appelant attaque, dans un premier temps, la décision ayant rejeté sa requête en arrêt des procédures. Il soutient que l’abus de procédure prend forme autour de trois événements, soit (1) l’intervention de la ministre de la Justice et procureur générale (ci-après : la Ministre) auprès de la Directrice des poursuite criminelles et pénales (ci-après : la Directrice), (2) la formation d’un comité indépendant pour porter une seconde évaluation au dossier d’enquête et (3) la décision de porter une accusation contre l’appelant à la suite de la recommandation dudit comité. De surcroît, l’appelant avance que le juge de première instance a erré dans son analyse des éléments essentiels de l’infraction de conduite dangereuse et qu’il a rendu un verdict déraisonnable.
Le jugement
La Cour d’appel (ci-après : la Cour) rejet l’appel en totalité
L’appelant avance que la Ministre a dicté à la Directrice de réévaluer le dossier par l’entremise d’un comité indépendant, et ce, en outrepassant ses pouvoirs et en méprisant l’indépendance de la Directrice. Dans les faits, le juge conclut, plutôt, que la Ministre a consulté et discuté avec la Directrice de la possibilité de créer un comité de procureurs indépendants pour réévaluer le dossier. Aux vues des contraintes constitutionnelles et législatives liés à leurs fonctions, ses échanges entre la Ministre et la Directrice s’inscrivent dans la norme. Par ailleurs, la formation du comité externe formé d’experts indépendants ayant pour objectif d’émettre une recommandation sur la possibilité de déposer des accusations à la suite à la réévaluation du dossier s’inscrit dans les limites des pouvoirs de la Directrice, en plus, d’être en conformité avec le mandat que la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales lui confie. En effet, la Cour mentionne que c’est plutôt le refus d’agir, après avoir obtenu de nouvelles informations concernant le dossier, qui aurait compromis l’intégrité du système de justice et la confiance du public. Finalement, la décision de porter des accusations contre l’appelant est la pierre angulaire de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Directrice.
En ce qui concerne le second volet de l’appel, la Cour conclu que le juge de première instance a tenu un examen minutieux et complet de la conduite de l’appelant, prenant toutes les circonstances en compte, et ainsi rendant ses raisonnements et ses conclusions inattaquables. Le juge n’a pas erré en concluant qu’au vue des circonstances, les risques engendrés par la conduite de l’appelant, ne lui laissant à peu près aucune manœuvre, rend cette dernière objectivement dangereuse pour le public. En outre, le juge n’a pas erré en concluant que la conduite de l’appelant constitue un écart marqué par rapport à celle qu’aurait un policier raisonnable dans les mêmes circonstances. En effet, le policier raisonnable roulant à haute vitesse dans un quartier résidentiel, sans sirènes, ni gyrophares, s’approchant d’une intersection n’aurait pas omis de prendre les mesures nécessaires, dont ralentir sa vitesse, pour éviter de tels risques. Pour finir, contrairement aux prétentions de l’appelant, le verdict n’est pas déraisonnable. La détermination de la vitesse de l’appelant précédent ainsi qu’au moment de l’impact est déterminé par les faits ainsi que par le témoignage de l’expert. La technique de « rattrapage » voulant rejoindre le sujet le plus rapidement possible se doit de considérer notamment « la nature de la contravention, la nature de l’enquête, […] s’il s’agit d’un cas d’urgence ou d’une situation pressente.[2] » Or, la situation, en l’occurrence, ne se qualifie pas d’une urgence, mais plutôt d’une situation pressante devant être distingué. La Cour conclut que malgré le devoir de rattrapage du sujet, la sécurité du public aurait dû être priorisé au détriment du caractère pressant de la situation.
Publié le 11/01/2022