Les avantages d’avoir un avocat: la négociation de peine

Un avantage indéniable de recourir aux services d’un avocat est la possibilité que celui-ci négocie avec la poursuite afin d’obtenir une peine qui est à la fois raisonnable et acceptable pour l’accusé. De plus, lorsqu’une telle négociation mène à une suggestion commune sur la peine, le juge ne peut s’y opposer que dans de rares circonstances.

« Lorsque les ententes sur le plaidoyer sont menées correctement, elles sont bénéfiques non seulement pour les accusés, mais aussi pour les victimes, les témoins, les avocats et l’administration de la justice en général »[1]

En voici un bel exemple: Séguin c. R., 2021 QCCA 195.

Les faits

L’accusé dans cette affaire a plaidé coupable à 4 chefs d’accusations, notamment d’avoir conduit avec un taux d’alcool dans le sang supérieur à la limite permise, d’avoir conduit alors qu’il lui était interdit de le faire et de ne pas avoir respecté, à deux reprises, des conditions qui lui avaient été imposées par le tribunal relativement à de la consommation d’alcool. De surcroît, l’accusé dans cette affaire était multirécidiviste; il en était à sa septième condamnation en matière d’alcool au volant.

Au moment de l’audition pour détermination de la peine, la poursuite et la défense ont présenté au juge une suggestion commune l’invitant à condamner l’accusé à une peine de 16 mois d’emprisonnement, ainsi qu’une probation de 2 ans pour tous ces chefs. Après avoir pris l’affaire en délibéré, le juge a décidé de rejeter leur recommandation conjointe et de condamner l’accusé à un emprisonnement global trois fois plus élevé : 51 mois et 18 jours.

Le jugement

L’accusé a alors saisi la Cour d’appel du Québec d’un pourvoi contre sa peine, reprochant essentiellement au juge de première instance d’avoir rejeté la suggestion commune sans fournir suffisamment d’explications et de lui avoir imposé une peine déraisonnable. Selon l’accusé, le juge a omis de respecter le principe selon lequel les peines doivent augmenter graduellement et qu’il n’a pas donné suffisamment d’importance aux facteurs atténuants.

Au terme de l’audition, le banc de trois juges de la Cour d’appel s’entend à l’unanimité pour lui donner raison et accueille le pourvoi. Selon la Cour, le juge de première instance ne pouvait pas rejeter la recommandation sur la peine offerte par les parties en évaluant la justesse de celle-ci.

Depuis l’arrêt Anthony-Cook rendu par la Cour suprême du Canada en 2016, il est dorénavant clair qu’un juge ne peut rejeter une suggestion commune que si la peine proposée est susceptible de faire perdre la confiance du public en son système de justice. En effet, depuis cet arrêt, le juge qui détermine la peine ne peut plus rejeter une suggestion commune des parties simplement parce qu’il considère qu’une autre peine serait plus appropriée ou même s’il considère que la peine suggérée est « manifestement non indiquée ».

En l’espèce, selon la Cour d’appel, il n’existait aucune raison qui justifiait d’écarter la suggestion commune faite par les parties. Cette entente entre la poursuite et la défense avait comme objectif de donner l’opportunité à l’accusé d’obtenir des soins à sa sortie de prison et ainsi favoriser sa réinsertion sociale. Comme le souligne la Cour d’appel, « [u]ne peine de prison plus longue, mais sans probation, ne servirait, a notre avis, aucune fin utile dans les circonstances de l’espèce » et cette peine suggérée est « non susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».

Somme toute, cet arrêt de la Cour d’appel est un exemple criant de la déférence que la magistrature doit accorder aux procureurs qui négocient pour disposer d’un dossier. Elle renforce l’idée selon laquelle on doit faire confiance aux avocats, qui sont quotidiennement appelés à mettre en balance les intérêts de la personne condamnée et de la société.

Sources:
Sources:
1 R. c. Anthony‑Cook, 2016 CSC 43, au para 35.

Publié le 5/03/2021